J’avais pourtant juré que l’on ne m’y prendrait plus. Je m’étais promis que c’était bien terminé, que plus jamais je ne succomberai à la tentation, qu’enfin je serai libre et que seule la pluie toucherait encore mon âme, les soirs d’orage, en ces moments magiques où le ciel s’ouvre pour mieux renaître. Tous ces serments pour rien, toutes ces phrases prononcées auprès de témoins dignes de foi, bien conscients, eux, de la vanité de mes engagements. C’est qu’ils me connaissent tous bien mieux que moi. J’ignore tout ce qui me fait fonctionner, de ce qui me pousse le matin à me lever. Mais ces gens, ceux que l’on nomme famille ou amis, m’ont tous cerné avec une acuité déconcertante et contre laquelle lutter est vain. C’est pourtant toujours vers eux que je formule mes imprécations solennelles, mes désirs fous, mes besoins morbides ou mes délires joyeux. Avec la patience de la fourmi, ils entendent et, pour certains, écoutent, ce qui va bien au-delà du rôle qui leur a été dévolu pour une société encline au classement et à la catégorisation. Alors, avec toute l’indulgence qui les caractérise, ils sourient, ils pardonnent et parfois ironisent sur ma volonté distordue qui ne sait pas se contenir. Et comme ils ont raison ainsi de se moquer de mon inconséquence moi qui, chaque fois, ne peut m’empêcher de rebattre l’ouvrage et de me remettre au travail.
Oui, jure régulièrement que c’est la dernière fois que j’écris quelque chose, que je vais travailler pour d’autres, pour leur faire plaisir, pour les faire voyager et les emmener de loin en loin vers d’autres horizons. Les : « on ne m’y reprendra plus » criés, les « cette fois, ça suffit » soupirés ou les « vous me gonflez, je laisse tomber ! » indignés, combien en ai-je prisé, usé et abusé ? Des centaines, voire des milliers. Il est temps donc pour moi, une fois encore, d’endosser mon rôle favori, que j’assimile volontiers à celui d’un mécène, tant pis si c’est excessif, tant pis si l’on me rétorque que je divague, tant pis si cela fait jaser, au moins, on en glosera. J’ose donc le proclamer à nouveau : « venez à moi, je vais vous faire vivre de nouvelles aventures ! »
Et je lève mon verre à ma prochaine déprime !